Cette série d'articles propose une rétrospective historique du contexte de l'indépendance israélienne entre 1947 et 1949 . Deborah
SUR LE CHEMIN DE LA LIBERTE
ISRAEL 1947-1949
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I Partition
de l’Inde, partition de la
Palestine : un parallèle saisissant
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Nehru et Jinnah |
L’abandon progressif par les Britanniques de leur Empire a conduit
après la Seconde Guerre
mondiale à la mise en oeuvre de partitions politiques au sein de leurs anciennes
colonies.
Du British Raj sont nées artificiellement le 15 août 1947 deux
entités politiques, l’une dirigée par la Ligue musulmane de M. Jinnah au Pakistan et au
futur Bangladesh, l’autre sous l’égide des membres du Parti du Congrès,
artisans de l’indépendance de l’Union Indienne.
La partition de l’Inde a eu deux principales conséquences :
- d’une part, le déplacement sanglant de plus de 20 millions
d’habitants, et faisant plusieurs millions de victimes, hindous, chrétiens et
sikhs fuyant majoritairement les régions attribuées à la Ligue musulmane, tandis
qu’une partie des musulmans rejoignait le futur Pakistan, le reste formant une
importante minorité en Inde ;
- d’autre part, l’émergence de la question du Kashmir,
région de montagne à majorité musulmane, à forte minorité hindoue, et rattachée
à l’Inde.
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Violences religieuses lors de la partition |
L’assaut contre le Kashmir par l’armée pakistanaise dès octobre
1947 – sous direction britannique – s’est soldée par l’établissement d’une
ligne de front permanente depuis le cessez-le-feu de janvier 1949, objet de
plusieurs tentatives infructueuses de conquête pakistanaise, et suscitant un
terrorisme sanglant depuis près deux décennies.
Le parallèle avec la gestion de la fin du Mandat britannique en
Palestine est saisissant.
Cela concerne le déplacement des populations juives et arabes, le
soutien britannique à la partition musulmane, et, sur une échelle plus large,
sur le maintien d’une zone de conflit violent plus de 60 ans après les
événements fondateurs, ainsi que l’émergence d’un terrorisme islamique visant
les institutions démocratiques indiennes et israéliennes.
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Affiche du Lashkar e-Taiba, |
On remarquera également que les victoires indiennes contre le Pakistan
(1965, 1971, 1999) tout comme les victoires israéliennes n’ont pas conduit à
l’anéantissement de l’adversaire, mais à l’obtention temporaire d’une
diminution de la menace à leur encontre.
Plus encore, les nationalismes arabes palestiniens et pakistanais
se sont en grande partie forgés et subsistent en tant qu’idéologies de
combat avec l’unique objectif de destruction de l’adversaire.
Si la partition de l’Inde laisse toujours aux prises deux
puissances militaires disposant d’une profondeur stratégique et plus de 1,5
milliards d’habitants – auxquels on pourrait ajouter la Chine qui a annexé une
partie du Kashmir lors de l’établissement d’une route stratégique reliant le
Tibet au Turkestan –, c’est en revanche un conflit mineur au plan mondial,
regroupant moins de 20 millions d’habitants, qui fait l’objet de toute
l’attention médiatique.
Israël en ligne de mire du nationalisme arabo-musulman
La centralité artificielle de ce conflit dont les enjeux dépassent
ainsi largement sa portée politique réelle, mérite ainsi une plus grande
prudence.
Si l’Etat d’Israël fait l’objet de critiques sans cesse plus
virulentes, si l’apologie de la politique arabe de purification
ethnico-religieuse semble trouver dans l’espace médiatique une diffusion
toujours plus grande, c’est en grande partie sur la base d’un imaginaire
politico-médiatique fondé sur la mise en question du droit du peuple juif à
disposer de lui-même en tant que peuple.
Ce qui implique de reprendre le fil de l’histoire des années
1947-1949, au moment de
l’accession du peuple juif à l’indépendance.
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29 Novembre 1947 |
Singulièrement, la souveraineté politique juive en Israël a été
favorisée par l’intransigeance arabe à reconnaître le droit du peuple juif à
refuser la sujétion archaïque et religieuse, ainsi que par la déroute des
forces arabes chargées d’anéantir le foyer irrédentiste juif.
Là où la Légion
arabe de Transjordanie est restée maître du terrain, l’expulsion de toutes
les populations juives a pu y être menée conformément aux objectifs de la Ligue arabe.
Dans un Proche-Orient aux frontières façonnées par les
chancelleries occidentales depuis la fin de la Première Guerre
mondiale, il faut remonter bien auparavant pour comprendre les enjeux de
l’ingérence russe et occidentale, ainsi que la résurgence de la thématique de
l’unité arabo-musulmane, dont le ressentiment lié aux échecs répétés s’est
concentré sur l’indépendance d’un petit Etat juif.
Sans doute doit-on voir aussi dans l’acharnement actuel contre
l’Etat d’Israel la résurgence d’un sentiment de culpabilité européenne,
ancienne puissance coloniale du monde musulman, cherchant à peu de frais à
détourner l’esprit de revanche nationaliste arabe à l’encontre de ce petit
pays, né pourtant des mouvements d’émancipation et de décolonisation du XXe
siècle.
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Le bateau Jewish State arraisonné par les britanniques Haïfa 1947 |
À ce titre, la polarisation politique autour de la question
d’Israël appartiendrait alors à un échange de coups stratégiques dans un grand jeu
entre puissances émergentes et puissances occidentales.
En quête d’un nouvel âge d’or, où il représentait le modèle
dominant souverain sur une partie du monde, le monde arabo-musulman a fait de
la confrontation avec l’indépendance juive, le cœur de sa confrontation
avec le modèle occidental et s’est soldé jusqu’à présent par l’expulsion
quasi complète des Juifs en terre d’islam, et celle, irrémédiable et
silencieuse, des Chrétiens d’Orient.
Le modèle singulier qu’Israël, seul pays à majorité non-musulmane
du Proche-Orient, oppose au népotisme des élites arabes, ravive alors de façon
plus aiguë encore la difficulté du monde musulman à percevoir sa restauration
politique hors du champ d’un conflit de cultures.
L’intrication des facteurs politiques, culturels, stratégiques et
sociaux forme un puissant concentrateur émotionnel, où les années 1947-1949
forment un tournant généralement déformé par le prisme des idéologies, invitées
sournoises dans le jeu des alliances et des compromissions.
Un nouveau regard sur l’indépendance juive
En quoi la restauration culturelle et politique du peuple juif
serait-elle une menace pour la paix à l’échelle mondiale ? Inversement,
ceux qui cherchent au prix de la haine à dénier le droit à un peuple à sa libre
expression, ne seraient-ils pas ainsi les véritables promoteurs d’une
conflictualité politico-religieuse dont Israel serait la première cible ?
À cet égard, il nous semble plus décisif aujourd’hui de rappeler
que la naissance de l’Etat d’Israel s’inscrit dans l’ensemble des mouvements
d’émancipation politique de l’époque moderne, et qu’en aucun cas il ne pourrait
s’agir d’une éventuelle « compensation » après l’Holocauste dont on
se demanderait comment elle pourrait donner naissance à une nation.
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Indépendance mai 1948 |
L’indépendance de l’Etat d’Israel en 1948 consacre ainsi
l’aboutissement dans le monde juif d’un risorgimento culturel et politique
vieux de plus d’un siècle et demi. Néanmoins, l’idéologie dominante tente
d’imposer la vision d’une indépendance entachée d’une faute originelle
supposée, celle de l’expulsion des arabes de Palestine.
Aux mots qui trompent et mentent, que nous révèlent les archives et
les images ?
Quel regard contemporain porter de l’intérieur à des
événements généralement connus par le biais de réductions et d’idées toute
faites ? Qui étaient ceux qui ont mené le peuple juif à la liberté ?
Qui étaient les leaders arabes ? À quoi ressemblait la société
multiculturelle juive des années de l’indépendance ?
Nous vous proposons une série d’article donnant à voir de
très nombreuses images d’archives donnant à l’histoire l’épaisseur et
l’authenticité qui lui manque souvent cruellement. Et sans chercher à faire une
nouvelle histoire, puisque l’Histoire était déjà présente dans
l’objectif des photographes.
Sacha Bergheim